mardi, janvier 05, 2010

Computing in the Cloud

Pour changer un peu, un petit billet sur des sujets excessivement techniques... Mais rassurez-vous cependant, n'étant ni informaticien ni ingénieur, je resterai assez général.
L'informatique subit actuellement l'une des révolutions systémiques dont elle est capable, le passage vers le"cloud computing". Le problème est que cette réalité de fond a des conséquences stratégiques bien distinctes et parfois contradictoires.
Le mouvement de fond est la tendance à renvoyer les calculs "dans le nuage" ("in the cloud"), c'est-à-dire, pour l'utilisateur, pour la PME, pour l'éditeur de service, à ne pas s'embarrasser de serveurs mais à confier ses traitements et ses calculs à des serveurs diffusés dans le réseau Internet.


Au fond, l'initiative SETI@home de l'université de Berckeley (illustration), qui proposait en 1999 aux internautes de partager une partie de leur puissance de calcul pour contribuer collectivement à décrypter des enregistrements et à y rechercher d'éventuels signaux extra-terrestres était déjà une préfiguration de cette tendance.
Avec l'explosion d'internet, cette facilité s'est développée, entraînant des enjeux économiques, stratégiques et industriels considérables. C'est la première révolution du Cloud computing, et la première question essentielle pour l'industrie française.



Le problème est que ce nuage n'est pas très diffus. Une bataille de titans s'est engagée aujourd'hui entre quelques grands opérateurs, comme Microsoft, Google ou Amazon pour conquérir des positions centrales dans cette nouvelle donne industrielle. Jouant à fond sur les économies d'échelles, ces trois opérateurs, et quelques autres, ont engagé une course monstrueuse vers la masse critique.

Quand je dis "monstrueuse", c'est bien monstrueuse : Google et Microsoft se battent pour acheter les terrains les plus proches des barrages hydro-électriques qui seront construits dans quelques années, afin de garantir l'approvisionnement de leurs futurs data-centers. Google teste des supertankers chargés de containers portant des racks d'ordinateurs refroidis par des eaux de grandes profondeurs. Je pourrais multiplier les exemples. Je préfère vous renvoyer à cette illustration que j'adore d'un très bon article de The Economist : Battle of the Cloud. Elle montre bien que ce "nuage" dissimule en fait de lourdes forteresses volantes. Cette course au gigantisme est inévitable, puisque les économies d'échelles favoriseront irrémédiablement le plus gros.

Cette deuxième bataille est stratégique, car elle désignera l'un des futurs leaders d'Internet, mais aussi parce que c'est la bataille sur la détention des données stratégiques. On ne parle plus ici de la bibliothèque nationale, mais des données clés des entreprises et des universités françaises.
Visiblement, il est prévu de rechercher une réponse avec une partie du budget du Grand emprunt, ce qui est une bonne chose. Personnellement, j'espère également qu'on ne va pas financer une nouvelle ligne Maginot, un nouveau plan calcul, mais qu'on investira sur les enjeux du futurs et sur un processus d'innovation ouverte et partagée.

Il y a une troisième bataille du Cloud computing dont nous parlerons une autre fois : c'est la question énergétique, à l'heure où les data centers représentent déjà 4 % de la consommation d'électricité mondiale.

Et puis il y a une quatrième bataille, chère à mon coeur : le "cloud for media". Si vous êtes un tenant du Cloud dans sa définition 2 (concentration sur des opérateurs géants), vous pouvez parler d'anti-cloud, je m'en fiche. Car ma conviction est que les industries de média vont subir à leur tour de profondes mutations. Les besoins de simulations (dans les films ou les jeux), les demandes de personnalisation des contenus et l'émergence progressive du "transmedia" rendent de mon point de vue indispensable une réflexion sur l'architecture des médias du futur. Et je fais le pari, pour le jeu vidéo et le cinéma d'animation au moins, que l'on tendra vers l'échange d'objets (un personnage, une ville, un avatar) qui emporteront l'ensemble de leurs caractéristiques (animation, comportement, règles d'intégration dans le scénario) et qui pourront passer d'un jeu à un film puis à un serious game. Cette distribution des calculs dans les médias est un autre défi qu'il nous faut aussi anticiper.

Voilà quelques enjeux qui ont déclenché, depuis plusieurs semaines, une belle bataille de lobbyings industriels comme la France en a le secret.

Je ne peux terminer ce billet sans saluer au passage le très joli projet Jolicloud, de l'ami Tariq Krim (fondateur de Netvibes). Avec un noyau Linux, cette start-up propose aux portables personnels un disque dur "dans le cloud", c'est-àdire accessible, avec tous ses paramètres, fichiers et configurations, depuis n'importe quel poste raccordé à Internet.

On lui souhaite le meilleur.

4 commentaires:

  1. Post reçu sur Twitter :

    OlivierAuber @gwendal @HenriVerdier Hum, appeler un chat un chat: Cloud Computing = Star Computing (informatique centralisée), non? http://bit.ly/8JmlRe

    Tout à fait d'accord avec Olivier Auber...

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  2. Merci Henri pour ce billet.
    Il faut noter que les dernières versions des OS comme Ubuntu et MacOS proposent gratuitement des espaces de stockage et de synchronisation dans le nuage :-)
    Il y a également à surveiller les initiatives de Cloud computing basées sur des solutions open-source et donc maitrisables par les communautés ou même les utilisateurs. Je fais en particulier référence à l'excellent eyeOS (http://eyeos.org) qui chemine depuis 2005 et dont la dernière version est tout à fait convaincante (http://bit.ly/6i6yxy).
    IBM a même choisi cet outil pour proposer de monter des solutions de cloud computing open source sur sa nouvelle offre de serveur Z system (http://blog.eyeos.org/en/2009/12/16/eyeos-and-ibm-working-togethe/). Etonnant non ?
    Peut être être que la bataille qui s'engage verra d'autres acteurs arriver sur le marché ;-)
    A bientôt pour discuter de tout ça...

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  3. Merci François, et à bientot, effectivement, j'espère...

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  4. Le cloud est un sujet très profond. Je crois que cette technologie à la capacitié d'introduire un espace de droits numériques sur Internet. Egalement d'aborder la question de la transmission de la mémoire numérique des individus. C'est d'ailleurs le projet de l'association Mnemosine: favoriser l'émergence d'un cloud public institutionnel pour traiter ces questions. Pour plus d'information, voir mon blog et les site de Mnemosine, ou le site de NKM "crétaur des possibles" http://bit.ly/8qbYus

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